30 images
Pourtant un peu en marge des Rencontres Photographiques d'Arles en 1997, Eric Larrayadieu en fut, pour beaucoup la véritable révélation photographique. Les Jours incertains semblaient pouvoir ouvrir un nouveau chemin dans la tradition, bien encombrée pourtant, du reportage social approfondi. Depuis il poursuit, en l'élargissant, en la réfléchissant, en la construisant par diverses "retouches", cette démarche.
Les images d'Eric Larrayadieu sont pourtant peu "bavardes": elles concentrent, sur elles-mêmes, dans leurs cadres et leurs limites matérielles, ce qu'elles peuvent prétendre dire. Leur matière propre se tiendrait, peut-être, à un certain point de convergence. Ce qui s'y voit: des êtres faits d'une certaine tenue de leurs corps, d'une allure, d'un regard; ce sont eux d'abord qui tiennent l'image; mais aussi des êtres inscrits dans un espace, qui n'est jamais décor, qui laisse de la place et des échappées possibles hors champs; entre eux, tout est affaire d'équilibre, fragile, instable, comme si l'auteur rendait palpable le caractère incertains des jours et des nuits de ces êtres-là. Bien que cela soit souvent mal considéré aujourd'hui, il y a de "l'instant décisif" dans ces images. Mieux, peut-être des instants incisifs. Eric larrayadieu donne du corps à ces émotions, ces inquiétudes, ces troubles, ces transparences de l'âme.
Patrick Bernier, in "Habitants, habités, habitus", Lorient, 2001.